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petite ingrate !

l’on comprend aisément que., aux yeux d’une grand’mère, ce n’est pas un tort : au contraire.

Mme Durandel, la cliente en question, était une riche bourgeoise du Marais, veuve et sans enfant, ce qui la désolait fort.

En désespoir de cause, elle avait résolu d’utiliser ses sentiments maternels en adoptant une petite fille dont elle ferait son héritière.

Sur ces entrefaites, étant venue à Loanec, elle remarqua la gentillesse de Jeannine et résolut de s’attacher la charmante enfant.

La mère Yano était pauvre et ne repousserait pas des offres avantageuses.

Cependant la dame dut en rabattre ; sa première proposition fut rejetée avec indignation.

Vendre sa petite-fille ! une grand’mère !

Était-ce Dieu possible que l’on pût songer à un tel marché !

En vain, Mme Durandel dont un refus augmentait le désir, s’entêtant dans son idée, offrit-elle le double, le triple…

La vieille refusa.

Alors la riche bourgeoise changea ses batteries : elle invoqua l’intérêt de l’enfant, sa fortune, son bonheur.

Et l’aïeule hésita.

Elle, dont la vie avait été si rude, dont le labeur acharné ne parvenait pas à assurer le pain quotidien, elle qui connaissait les privations, la misère, avait-elle le droit, par égoïsme maternel, de vouer sa petite-fille à cette dure existence, quand un avenir heureux, brillant, s’ouvrait devant elle ?

Mais ne plus la voir, ne plus exister pour elle (car sur ce point Mme Durandel exigeait une renonciation formelle), n’était-ce pas trop cruel, mon Dieu !

« L’intérêt de l’enfant ! »

Ces mots, véritable « Sésame, ouvre-toi, » dénouaient les