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en wagon

« Pourquoi les exposer à un si long, si fatigant voyage, tous éblouissants de santé. Question de luxe, de plaisir ? Mais non, ils voyageaient trop simplement, sans femme de chambre, sans gouvernante et m’est avis que l’on s’est imposé un gros sacrifice pour ce coûteux déplacement. — Que vont-ils faire à Marseille dans cette saison torride où l’on fuit le soleil. Il n’y a qu’un goutteux comme moi pour trouver ma Bretagne trop froide même en plein été.

« Ils vont peut-être attendre le père revenant des mers lointaines, mais cette jeune femme en deuil, cette grande tristesse, ces yeux rougis indiquent plutôt une veuve ? »

Et le train filait à toute vapeur à travers la nuit noire pendant que la maman, le souper fini, préparait le coucher.

Déjà le vieux monsieur avait baissé les stores, et tendu la bande bleue servant à tamiser la lueur vacillante de la lampe ; déjà il s’était emparé du garçonnet, bien enveloppé dans la moitié de sa couverture et l’avait installé en face de lui, pendant qu’elle, la mère, s’occupait des fillettes.

« Mais, monsieur, ne vous gênez pas ainsi, vous ne pouvez plus allonger vos jambes, vous aussi avez besoin de repos.

— Laissez donc, madame, croyez-vous que j’aie toujours eu une aussi bonne couchette, un vieux soldat est habitué à la dure. N’est-ce pas, Paul, que je ne te fais pas peur et que nous serons très bien à côté l’un de l’autre comme deux amis. »

Un train croisa, passant comme l’éclair, avec un bruit de tonnerre.

Paul se précipita à la portière, pour le suivre à perte de vue. Dans ce brusque mouvement, une médaille qu’il portait à son cou sortit de sa chemisette de marin.

M. de Lornec l’examina curieusement.

« Qu’est-ce que cela ? »