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en wagon

des fillettes s’était rapprochée du « monsieur » que jusque là elle avait pris pour un parent de Croque-mitaine

« Comment t’appelles-tu, mignonne ?

— Marguerite, et mon frère Paul et ma sœurette Lina.

— Et toi, grand garçon, quel âge as-tu ?

— Huit ans, et Marguerite cinq et Lina deux. N’est-ce pas, Lina ? »

Et il riait délicieusement au bébé pour la faire rire.

« Vous avez fort à faire avec ce petit monde, madame.

— Oh, monsieur, j’en ai l’habitude, je les ai nourris, élevés et personne que moi ne s’occupe d’eux.

— Et vous vous entendez à voyager !…

— Femme de marin, j’étais à bonne école.

— Ah !… »

Il n’en dit pas plus long, se rejetant dans son coin et feignant de s’assoupir ; mais regardant vaguement toute cette petite famille…

Et lui aussi, aurait pu avoir des petits-enfants s’il n’avait eu un fils ingrat, révolté. Sa vieillesse triste et solitaire se serait réchauffée près de ces joyeux bambins, tandis qu’il vivait seul, qu’il mourrait seul. Que de déceptions dans la vie !

Dieu était vraiment trop indulgent pour ces enfants dénaturés qui oublient le respect dû aux cheveux blancs de leur père !…

Les petits soupaient maintenant, leurs quenottes dévoraient à merveille ce festin improvisé. Pour eux, c’était la journée aux dînettes, tout était bien meilleur qu’à table.

Et il contemplait avec attendrissement, cette fois, ces blondes têtes, ces joues roses, et la jeune mère veillant, occupée d’eux sans cesse comme une poule de ses poussins. Charmant tableau qui l’intéressait de plus en plus à ses compagnons d’un jour !