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en wagon

famille, et d’ailleurs, mon cher, tu es imbu d’idées révolutionnaires qui gâtent ton jugement ! Chez nous c’est autre chose. M. de Mirabeau, le grand-père de votre fougueux enragé tribun n’a jamais permis à monsieur son fils de lui baiser seulement la main, et ce même fils, « l’ami des hommes » bâtonnait le sien passé trente ans.

— Aussi je lui fais compliment du résultat ! crois-tu que Mirabeau ait sincèrement pleuré son père ?

— Le respect est préférable à l’affection.

— Enfin, qui vivra, verra ; » concluait le capitaine.


✽ ✽

Un jour, une lettre arriva du Sénégal ; le jeune officier donnait de ses nouvelles : blessé dans une escarmouche, il devait son prompt rétablissement aux soins dévoués d’une française, veuve d’un fonctionnaire et mère d’une adorable fille.

« Diable, mon cher de Lornec, quel long chapitre de détails. Voilà une aventure qui pourrait bien te donner du fil à retordre : Henri parle de ces dames avec une ardeur, un enthousiasme qui semble annoncer un prochain mariage. »

Le commandant haussa les épaules :

— « Henri ne se permettra jamais d’aimer sans ma permission. »

Duriol se mit à siffloter, ce qui agaça souverainement son vieux camarade.

Le paquebot suivant apportait une nouvelle lettre où le pauvre garçon avait mis tout son cœur. Henri sollicitait de la façon la plus respectueuse l’agrément de son père à son mariage.

La réponse paternelle ne se fit pas attendre, elle fut sèche