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la vierge du sabotier

promis de ne jamais s’en séparer ; mais en faveur de la douce créature qui l’avait tant de fois consolé, le cher mort lui pardonnerait, bien sûr, de manquer à sa promesse…

Il prit la sainte relique et la contempla longuement…

Toutes ses peines, il les lui confiait chaque soir ; et toujours l’angélique sourire de Marie le fortifiait, le soutenait.

Bien ardemment il la pria d’être pour son amie, qui en avait tant besoin, l’appui et la consolation qu’elle avait été pour lui.

Mais alors il voulut ajouter à ce cadeau quelque chose de lui ; et, le cœur ému, comme s’il commettait une profanation, il cisela, en secret, le socle de bois, reproduisant avec une perfection surprenante son arrivée chez maître Wonguen et la délicieuse apparition de Suzel accourant au-devant de son père et accueillant l’orphelin…

Malgré la naïveté de l’artiste, les ligures étaient si admirablement sculptées que l’on reconnaissait aisément la mine paterne du bon Michel, l’expression mutine de la petite fille, la gravité mélancolique de Frantz et la maisonnette elle-même se détachant au fond sur les grands arbres.

Il mettait la dernière main à son œuvre lorsque Christian bavait grossièrement apostrophé :

« Peuh ! ça n’est pas merveilleux…

— J’aurais voulu mieux faire ; mais Suzel, j’espère, n’en verra que l’intention…

— Comment, Suzel ? dit l’autre en fronçant le sourcil…

— Oui, avec votre permission et celle de maître Wonguen, ajouta-t-il en se tournant vers le vieillard qui, de son fauteuil, suivait tristement cette scène, je compte lui offrir pour son mariage…

— Tu es un bon garçon, Frantz, dit Michel avec émotion, j’accepte ton présent pour Suzel et je t’en remercie. »