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la vierge du sabotier

Heureusement l’enfant avait une protectrice et une amie qui le consolait de toutes ses misères : la fille de maître Wonguen, qui lui était apparue lors de son arrivée comme une radieuse vision et qui s’était constituée son bon ange.

Suzel avait sept ans. Ainsi que Frantz, elle était privée de sa mère ; et son père, qui l’adorait, ne la contrariait en rien, la laissant reine et maîtresse dans la maison.

Il en résultait que la petite fille était assez mal élevée : capricieuse, volontaire, déjà coquette, elle faisait damner les ouvriers et le vieux Michel lui-même ; mais elle rachetait ses défauts par un si bon cœur et tant de gentillesse, que personne ne pouvait lui en vouloir.

La tristesse du petit garçon, sa tranquillité, son calme, contrastant avec son exubérance et son espièglerie, l’attiraient au lieu de l’éloigner.

Lui, de son côté, était charmé du babil et de la grâce de la jolie enfant, et, ne savait quoi imaginer pour lui plaire et l’amuser.

Sans cesse Suzel venait fourrager dans les outils du jeune apprenti ; et lui, avec sa patience et sa gravité précoces, la reprenait doucement, la grondait quand elle n’était pas sage.

Bientôt il obtint un tel ascendant sur cette petite indisciplinée que l’on prit l’habitude de la lui envoyer lorsqu’on ne pouvait en venir à bout.

« Laisse-moi travailler, va trouver Frantz, » disait le père.

Et Frantz installait sa petite amie à ses côtés, lui contait de belles histoires et lui fabriquait avec son couteau mille petits objets : des animaux, des arbres, des bonshommes, qu’il sculptait avec une habileté et une adresse dignes de son père.

Et Suzel battait des mains.

Le vieux Michel secouait la tête :