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les apprentis de l’armurier

— Mieux que cela, sire comte ; j’y ai passé quinze ans de ma vie.

— Je ne vous ai jamais vu à ma Cour.

— Moi je vous ai vu souvent à notre boutique, et vous portez encore un poignard damasquiné de ma façon.

— Comment cela ?

— J’étais alors apprenti armurier chez un bourgeois de votre bonne ville, maître Lansac.

— En effet ! j’ai ouï parler de cette histoire, mais j’ignorais que vous en fussiez le héros.

Le lendemain, au point du jour, Guy se rendit au cimetière où reposait la fidèle servante qu’il avait si longtemps nommée sa mère.

Gaultier l’y avait précédé ; mais il n’était pas seul… Douce, appuyée à son bras, attachait à l’humble croix de bois la couronne de roses de la Reine de Maye. En reconnaissant son maître, le digne écuyer vint à lui tout joyeux.

— Avec votre agrément, monseigneur, je vous présente ma femme, dit-il ; ma chère Douce, qui m’a patiemment attendu, refusant d’écouter ce vilain drôle d’Hugonet qui lui affirmait que j’étais bel et bien trépassé. J’avais bonne envie de lui caresser les épaules, pour lui prouver que je suis bien vivant ; mais je suis si heureux que je ne peux haïr personne.

— Je consens bien volontiers à ton mariage, mon Gaultier, et je me charge du douaire de ta femme. Mais que devient la prédiction de Madj ?

— Elle se réalise, mon maître : la couronne de la reine de Maye vaut bien celle du roi de Victoire.

— Alors nous emmènerons deux reines en France, car je présume que tu ne te fixes pas en Provence.

— Moi, vous quitter ! Par tous les Saints ! Douce sait si je l’aime, mais entre vous je n’hésiterais pas !