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les apprentis de l’armurier

Sous ses courtines de velours, la comtesse Jeanne ne goûtait pas davantage le repos.

Bien que son plan eût réussi et qu’elle eût là, dans un tiroir, le parchemin qui devait faire justice des prétentions de son neveu, elle était inquiète, agitée… L’intervention royale, bien que tardive, lui semblait une menace et un danger, si l’on refusait de la croire, si l’on tenait cette pièce extorquée par violence pour nulle et non avenue.

Et elle songeait à cette providence mystérieuse qui, deux fois déjà, s’était étendue sur le front de celui qu’elle voulait perdre.

De son côté, après une cruelle insomnie, employée à tourner et retourner dans sa tête ce problème insoluble : manquer à un serment sans manquer à l’honneur, Marguerite achevait de s’habiller lorsque l’on frappa à la porte.

Guy entra.

Il rayonnait.

— Madame, dit-il en s’inclinant, une escorte vient quérir le comte de Flandre et sa mère de la part du roi.

— Il n’y a plus de comte de Flandre, murmura-t-elle sourdement.

— Pardonnez-moi, madame…, le voici.

Et il poussa dans ses bras Gaultier stupéfait.

— Gaultier ! s’écria-t-elle.

— Non, Guy de Dampierre, le seul, le vrai, dont j’ai gardé la place jusqu’à ce jour…, pour des raisons personnelles.

— Tes raisons, je les devine, tu as voulu être au danger et me laisser l’honneur, interrompit Gaultier ; mais ton dévouement même rend ton témoignage suspect, et je te croirai toujours mon seigneur et mon maître jusqu’à preuve du contraire.