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les apprentis de l’armurier

— Pourquoi l’épargnerais-je plus que toi ? Il est l’ennemi, le danger ; je le supprime.

— Oh ! non, tu ne feras pas cela ! s’écria la mère affolée, en saisissant les mains de sa rivale et en les étreignant convulsivement. Jeanne, ma sœur, je t’en conjure, aie pitié de mon fils ! Pense que je n’ai que lui au monde ! Oh ! non, ne me repousse pas ! laisse-toi toucher !! J’ai tout perdu, mon père, mon époux. Lui seul me reste !…

« Oh ! je ne récrimine pas…, je ne t’accuse pas… ; on a pu outrepasser tes ordres…, et puis, je ne veux rien savoir…, j’oublie tout…, mais mon fils !… mon fils !… que t’a-t-il fait, mon Dieu ?

Elle se tordait les bras.

Jeanne la considérait d’un œil sec.

— Tu l’as dit : il est ton fils… et je n’en ai pas, moi !

— Jeanne ! ma sœur !

— Que me font tes prières et tes larmes ! Je ne suis pas mère, moi !

— Tu n’es pas mère, c’est vrai ; tu n’as jamais tremblé pour les jours d’un petit être chéri ; mais tu as eu une mère, la mienne. Rappelle-toi comme elle nous aimait ! comme elle était bonne et tendre ! Souviens-toi que les mêmes bras nous ont portées, que les mêmes lèvres ont effleuré notre front, et aie pitié de ton propre sang !…

— Tais-toi ! tu réveilles toute ma haine et toute ma colère. Ai-je jamais eu ma part d’affection et de caresses ? N’avais-tu pas déjà usurpé ma place dans le cœur de nos parents comme tu voudrais l’usurper aujourd’hui dans leurs États. Évoquer le passé est un mauvais moyen pour m’attendrir, je t’en préviens.

— Mais l’avenir, Jeanne ? Si Dieu, dans sa bonté, t’accordait un fils, ne craindrais-tu pas alors que mes larmes ne criassent