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les apprentis de l’armurier

« Je m’informai de son nom : c’était Guillaume de Dampierre, votre fils, ruiné et déshérité par les siens.

La mère cacha son visage dans ses mains.

— Je me jurai de lui rendre ce qu’il avait fait pour moi.

« Si pauvre que je paraisse, je commande à une puissante tribu, et je puis remuer plus d’or qu’un des plus fiers princes de la chrétienté.

« Grèce à moi, Guillaume de Dampierre eut l’équipement d’un roi et un beau coursier de bataille pour se présenter devant le comte Baudouin.

« De loin comme de près, je veillai sur lui. Il se distingua brillamment sous les yeux de l’empereur, et un jour vint où il épousa sa fille !

— Mon fils ! s’écria la douairière dans un élan de joie et d’orgueil.

— Dès lors, je le perdis de vue. Il était heureux, riche, aimé ; il n’avait plus besoin de moi. Je me trompais ; au faîte du bonheur et de la fortune, il rencontra la trahison et mourut assassiné par un des siens.

La dame de Dampierre étouffa un gémissement.

— Il laissait une veuve, un orphelin ; mais, au milieu du désordre causé par la mort de l’empereur, ils disparurent et l’on ne put savoir ce qu’ils étaient devenus.

« Le temps s’écoula.

« Un jour, en Provence, assaillie à coups de pierre par de méchants gamins, je fus défendue par un jouvenceau, simple apprenti alors, dont l’air et les manières me rappelèrent messire Guillaume.

« Son horoscope confirma mes soupçons. Pourtant, je n’en laissai rien paraître : il ne faut pas devancer le destin.

« Peu après, j’appris que les Flamands avaient proclamé