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les apprentis de l’armurier

Guillaume était savant, lettré, gentil causeur, doux et poli, qualités rares à cette époque d’ignorance, de brutalité soldatesque, et d’autant plus appréciées des dames.

Malheureusement la dame de Dampierre n’en jugeait pas ainsi et écoutait, les lèvres pincées, les éloges prodigués à son second fils.

— En vérité, madame, dit le comte, si je juge de l’aîné par le cadet, vous êtes une heureuse mère et je vous envie votre fils. Voulez-vous me le céder ? En mémoire de mon vieil ami, je lui serai bon maître et ne lui épargnerai pas les occasions de se distinguer. Confiez-moi le soin de sa fortune et il n’aura rien à envier à son frère.

— C’est impossible, monseigneur, répondit froidement la douairière ; Guillaume doit recevoir la tonsure.

— Quoi ! vous voulez en faire un moine !

— Messire Guillaume a sans doute la vocation, mon père, observa doucement Marguerite.

Non, il ne l’avait pas ; jamais il n’en avait été plus certain ; et, puisant du courage dans les yeux noirs de la jeune fille, il mit un genou en terre devant sa mère.

— Madame, dit-il avec respect, depuis trop longtemps, j’hésite à vous confesser mes secrètes aspirations : je rêve le noble métier des armes ; je serais un mauvais prêtre, je suis sûr d’être un bon soldat. Permettez-moi d’attacher sur mes habits la croix que je porte déjà sur mon cœur et de suivre le vaillant comte. Plus d’un simple cadet s’est illustré contre les Infidèles et je ferai en sorte que vous soyez fière de moi.

Ces dernières paroles s’adressaient-elles seulement à la douairière ?

En tous cas, Marguerite de Flandre les écouta les yeux baissés.