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les apprentis de l’armurier

Et il s’éloigna, suivi de son inséparable Hugonet, qui lui emboîtait le pas difficilement, laissant Gaultier plein d’angoisse sur le sort de son cher Guy.

Mais il n’eut pas le loisir d’y réfléchir longuement. Le lieutenant, furieux de sa duperie, le fit attacher à un arbre et battre de verges par ses hommes, malgré les supplications du pauvre enfant qui eût préféré la mort à cette honte.

Puis, ils le délièrent et l’abandonnèrent sans connaissance, au milieu d’une mare de sang.

Vers le soir, une charrette, traînée par un cheval étique, s’engagea dans le chemin creux.

Soudain l’animal s’arrêta.

— Hue donc ! Borak, cria le propriétaire de la pauvre bête qui méritait si peu le nom de la monture du Prophète, en montrant, hors de la bâche, le visage halé et ridé de la bohémienne Madja.

Mais Borak demeura figé au sol, et, comme la vieille allait employer des arguments plus « frappants », Mika, s’envolant par-dessus sa tête, vint s’abattre, avec un croassement, sur le corps inanimé de son ancien protecteur.

Cette fois Madja se décida à mettre pied à terre.

En reconnaissant Gaultier, dont un pâle rayon de lune éclairait le visage livide et les yeux clos, elle crut d’abord qu’il était mort ; puis, s’étant assurée que le cœur battait encore, elle le prit dans ses bras avec une vigueur que l’on n’eût pas attendu de son apparence débile et cassée, et le transporta dans sa charrette.

— C’est Allah qui t’a placé sur ma route, mon gentil sire ! murmura-t-elle, et puisque tu es le fils de Guillaume de Dampierre, je paierai en même temps ma dette à ton père et à toi.