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les apprentis de l’armurier

Gaultier se décida à prendre un repos bien gagné, et, se jetant sur le lit d’Hugonet, il s’endormit paisiblement.

Il se réveilla assez tard, se leva rapidement et entra dans la salle basse où l’attendait le repas du matin : une bonne soupe à la bière, toute fumante dans l’assiette.

Il s’apprêtait à y faire honneur quand la porte s’entr’ouvrit et une voix chevrotante quêta timidement un morceau de pain pour l’amour de Dieu.

— Passe ton chemin, maudite sorcière, répondit l’hôtesse avec humeur, je n’ai rien pour tes pareilles.

Gaultier ne savait pas voir repousser un malheureux.

— Je vous en prie, donnez une écuelle de soupe à cette pauvresse, dit-il ; je payerai son écot et le mien.

— Je n’en ai plus.

— Alors je lui céderai ma part, répliqua tranquillement le jeune écuyer en se levant. Entrez, asseyez-vous et mangez, la mère.

La vieille s’approcha, hésitante, marmottant un remerciement ; mais tout à coup elle poussa un cri de joie, et baisant les mains de Guy malgré sa résistance :

— Mon sauveur ! le sauveur de Mika ! fit-elle avec volubilité.

Un vieux corbeau tout déplumé, quittant l’épaule de sa maîtresse, vint se poser sur celle du jeune garçon stupéfait.

La reconnaissance achevée, la bohémienne s’apprêtait à déjeuner, selon l’invitation de son ex-chevalier, quand on vint appeler ce dernier de la part de Mme Marguerite.

Elle l’attendait debout et vint à lui par un mouvement irrésistible, en s’écriant :

— C’est vous qui vous appelez Guy !

— Non, madame ; je me nomme Gaultier, répondit-il en s’inclinant très bas.

— C’est vrai…, on me l’a dit.