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à reproduire les couleurs, en sorte que peignant des paysages imaginaires, il les peint encore d’après nature, d’après ce modèle surgi devant lui comme par enchantement, et où il peut compter les feuilles des arbres et entendre le bruit de l’herbe qui pousse.

Plus tard encore, à ce monde de fictions qu’Aurore ne cessait de porter dans sa tête, voici que se mêlent de vagues conceptions religieuses ou philosophiques. Sa vie poétique se double d’une vie morale. À ce roman, toujours en train et auquel elle ne cessait d’ajouter un chapitre nouveau, comme autant d’anneaux d’une chaîne sans fin, elle donna un héros dont elle savait très bien le nom. Il s’appelait Corambé. Corambé était son idéal dont elle avait fait un dieu. Seulement, tandis qu’on faisait couler le sang sur les autels des dieux barbares, sur l’autel de Corambé elle avait imaginé de rendre la vie et la liberté à tout un peuple de bestioles prisonnières : une hirondelle, un rouge-gorge, un moineau franc. Et c’était déjà cette tendance qu’elle aura plus tard à mêler aux récits romanesques des inten-