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saillantes, un nez, d’aigle, les yeux bruns foncés lançant quelques lueurs jaunes, mais d’une grande douceur : portant à sa mode un collier de barbe à peine grisonnante, même dans ses dernières années. Cet homme était l’ennemi du blanc, on eut dit que l’idée persistante de sa vie contre la blancheur procédait de tout son être, et que les quelques brins des cheveux ou de barbe, même à sa mort, qui voulaient blanchir n’étaient que gris, et ces poils gris ne dataient que de 1888, année de la mort de sa femme. Sur les cent personnes qui l’ont connu et qui vivent encore, pas une n’a entendu Monsieur ni Madame Durand se plaindre, à aucun moment de leur vie, et Dieu sait si leur vie en fut une de fortune. Une fois le grand vent d’automne enleva la couverture de leur maison, une autre fois la grêle brisa leurs vitres, jamais une pièce d’or n’a escaladé leurs fenêtres. Et lui et elle, toujours contents, fumaient lentement et avec délices, chacun une bonne pipée de tabac, avant d’aller ramasser la laine et le lin