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je ne veux pas risquer de lui voir prendre l’épouvante en l’engraissant ». Cette pauvre bête, à la vérité, était absolument ruinée.

La jument maigre est morte peu après, mais la bonne est restée bonne toute sa vie, lui rapportant presque tous les ans un beau petit poulain blond qui suivait sa mère, à côté de la voiture, lorsque Louis Durand se rendait à la messe qu’il manquait rarement.

Cette jument, impayable, sous des dehors modestes, était, autant que je me rappelle des meilleures races, pattes fines, crinière longue et nattée par les lutins, près du collier, et le corps court paré d’une tête fine au nez un peu busqué. Elle a vécu trente quatre ans, je crois, et n’est morte encore qu’à la suite d’un accident, dans une rue de Montréal. On dit que Durand était doué d’une mémoire surprenante ; il s’en vantait, il y puisait au besoin, largement, c’était son seul livre ; je devais ajouter que ce livre il l’écrivait aussi avec des pierres :