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car elle croyait bien que notre petite et vieille maison culbuterait, cette nuit-là. « Si vous voyiez, disait-elle, comme il y a des moutons sur la rivière. » « Papa, dis-je à mon tour, allez donc attraper de ces moutons égarés, grand’mère tondra la laine. » Mon père m’expliqua que ces moutons, à la vérité, étaient de grosses lames, des roulis d’eau qu’on appelait comme ça, pour la ressemblance qu’elles ont avec les troupeaux de bêtes à laine.

Mais le vent eut beau souffler la petite maison résista comme le roseau de la fable, bien qu’au loin quelques pins se déracinèrent et s’abattirent avec fracas.

Le lendemain, on parlait de naufrages : Baptiste Saint-Jean avait sauvé sa femme sur le mat de son navire perdu ; Gonzague Leroux, notre deuxième voisin, propriétaire du St-Georges, chargé de bois, avait beaucoup souffert ; Simon Laliberté avait mis à la côte son bateau, l’Oregon ; un bout de notre quai, sur pilotis, s’était écroulé.