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MYSTÈRES BRETONS.

été comblée ; les bâtiments destinés à loger les pèlerins sont des constructions modernes. Mais le paysage, sans doute, n’a point changé depuis le XIIe siècle, et ceux qui le visitent maintenant[1] comprennent sans peine qu’au milieu de ces montagnes arides et fauves, où la bruyère se détache en noir sur le fond d’herbes et de joncs desséchés, dans une lie qui s’élève à peine au-dessus des eaux rougeâtres du lac, parmi la solitude et le silence que seul le vent vient troubler, on ait situé jadis une des entrées de l’enfer.

II

Les mystères bretons de Louis Eunius.

La bibliothèque des écrivains anonymes qui composèrent les mystères bretons était formée de quelques livres populaires, ouvrages de piété pour la plupart ; les sujets, comme l’a démontré A. Le Braz[2], sont tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament, de la Vie des Saints, des publications hagiographiques du colportage et de la Légende Dorée, plus rarement de mystères français ; enfin de quelques romans tels que Les Quatre Fils Aymon, Huon de Bordeaux, La Belle Hélène de Constantinople, Geneviève de Brabant ; ou de livres de morale en action comme Les Trois Estats de l’Innocence du Père R. de Ceriziers.

C’est l’ouvrage célèbre du P. Boüillon[3], Histoire de la Vie et du Purgatoire de saint Patrice, qui fut la source des mystères bretons relatifs à saint Patrice et au Purgatoire[4]. De la Vie de saint

  1. Ph. de Félice, L’autre monde, mythes et légendes ; le Purgatoire de saint Patrice, p. 9-15. M. A. Le Braz, qui Ta visite en avril 1905, quelques semaines après M. de Félice, a bien voulu me communiquer ses notes de voyage.
  2. Essai sur l’histoire du théâtre celtique, p. 271-333.
  3. N’est-ce pas lui, d’ailleurs, que désigne l’auteur de la Vie de St Patrice dans ce vers ambigu : Asistet gant eun tad deus a urz sant Frances (Prologue, 13).
  4. Saint Patrice ne semble pas avoir été très connu en Bretagne. M. R. de Laigue m’a aimablement signalé les quelques sanctuaires qui lui sont dédiés : une chapelle à Vezin (manoir du Groselier), à Rennes (manoir du Breil), à Lannion. Il y a en Indre-et-Loire une commune de Saint-Patrice. On y remarque une épine miraculeuse que le saint, dit la légende, fit lleurir en plein hier et qui maintenant fleurit encore à contre-saison (communication de M. H. Teulié, bibliothécaire de l’Université de Rennes). On trouve en outre Saint-Patrice-de-Claids dans la Manche, et Saint-Patrice-du-Désert dans l’Orne. A Mégrit, Côtes-du-Nord, la Pierre de saint Palrice est percée dans toute sa longueur d’un trou où le saint se cacha pendant longtemps. Ernoul de la Chenelière, Mégalithes des Côtes-du-Mord. P. Sébillot, Le