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HISTOIRE DE FORTUNATUS.

Un <« preud homme » s’avance vers lui et lui demande comment il était entré dans ce lieu et le Gaudisseur lui dit fièrement : « Arrière villain ! » Puis il s’échappe, sort du monastère et s’en va tout droit à Saint-Jacques.

Ces facéties prouvent que le nom du puits ou du trou saint Patrice était très populaire, et aussi qu’il était loin d’être en France un objet de respect. Nous avons vu qu’au XVIIe siècle, au contraire, avec le livre du P. Bottillon, le Purgatoire de saint Patrice a un regain de vénération.

Mais, en 1656, paraissait à Rouen l’Histoire comique des aventures de Fortunatusy traduite de l’espagnol par d’Alibray (,) ; dans ce roman merveilleux, le Purgatoire est une caverne très longue et très profonde située derrière le maltre-autel de l’abbaye ; Fortunatus et son valet Leopoldus y étant entrés se trouvèrent perdus dans les ténèbres et, pour les retirer, l’abbé dut envoyer chercher un vieil homme qui, avec des cordes, avait autrefois mesuré la caverne ; celui-ci, à grand peine, finit par les trouver après avoir longtemps cherché de trou en trou, « et, ajoute malicieusement le conteur, l’abbé en fut bien aise, car si les pèlerins eussent été perdus, il craignoit que par après personne n’y voulût plus retourner, ce qui lui eût tourné et à ceux de son couvent à grande perte et dommage(,). »

En Irlande, dès le XVIIe siècle, le clergé protestant s’efforce de mettre fin aux pèlerinages, qu’il considère comme entachés de pratiques superstitieuses et idolatriques. Les Lords Justices d’Irlande <3) ordonnèrent, le 13 septembre 1632, une nouvelle destruction du Purgatoire, et, en 1704, un acte du Parlement interdit les pèlerinages, et spécialement celui du Purgatoire de saint Patrice, sous peine d’une amende de dix shillings pour les pèlerins, qui, faute de payer l’amende, devaient être publiquement fouettés. A cette époque, il n’est plus question que d’un lieu de pèlerinage et de pénitence et les visions merveilleuses et terribles ne sont plus mentionnées. D’ailleurs, dans les pays même où la légende

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  1. Une autre édition parut à Troyes, chez la veuve Jacques Oudot, en 1705. Sur la bibliographie de Fortunatus, voir P. O. lîückstrôm, Svenska lolkbôcker, sagor, legender och üfventyr, sednare bandet, Stockholm, p. 1-5. Ce livre et le texte m’ont été indiqués et communiqués par M. E. Philipot. Krapp, p. 45, cite une traduction anglaise de 1676, par Thomas Churchyard.
  2. Chefs-d’œuvre des conteurs français contemporains de La Fontaine, XVII* siècle, avec une introduction, des notes historiques et littéraires, et un index par Charles Louandre, p. 54-58.
  3. Adam Loflus, vicomte d’Ely, lord chancelier, et Richard, comte de Cork. Cf. H. Jones, bishop of Clogher, Saint Patrtck’s Purgatory, containing the Description, Originall, Progresse and démolition of that superstitions place. London, 1647. O’Connor, Si. Patrick’s Purgatory, p. 132-140.