Page:Dottin - Louis Eunius.pdf/31

Cette page n’a pas encore été corrigée
21
INTRODUCTION.


argent(1>, lui faisait quelque résistance, il lui ôtait la vie. Les ministres de la justice dissimulèrent assez longtemps ses crimes, par considération pour sa famille. Un jour, un alguazil(2) joua avec lui et gagna quantité d’or et d’argent. Louis le chargea d’injures et lui demanda la courtoisie qu’il exigeait d’ordinaire au jeu quand il perdait ; l’alguazil ne voulut lui donner que quatre écus. Louis, éteignant la lumière, se jeta sur lui ; il lui arracha, non seulement ce qu’il avait perdu au jeu, mais aussi ce que l’autre avait apporté pour jouer, et le quitta en le raillant. L’alguazil s’en alla, le lendemain, trouver le corregidor(3) pour lui demander justice. Louis, averti par un de ses amis qu’on allait le poursuivre, prit la résolution de se retirer dans un monastère situé à huit milles<4> de Perpignan, et y demeura secrètement en la compagnie du Père confesseur de la communauté. Or, il y avait dans ce monastère une de ses cousines germaines avec laquelle il avait été élevé. Louis en devint amoureux, et comme, avec la permission de la Mère Abbesse, il rencontrait aisément sa cousine à la grille, il lui fit la cour. Théodosia, c’est le nom d’emprunt sous lequel l’auteur dissimule sa naissance, écouta les paroles trompeuses de son cousin qui lui persuada de lui faciliter l’entrée dans le monastère, la nuit, avec les clefs ou d’autres pareilles qu’il demanderait, et ainsi ils raviraient les joyaux de la maison et prendraient leur route vers l’Espagne, où ils pourraient se marier sans crainte d’être reconnus.

Théodosia se laissa convaincre. Avec l’aide de deux de ses amis, Louis entra dans le monastère, en emporta de nuit toutes les richesses, et emmena Théodosia. Etant montés chacun sur un des deux chevaux qu’il avait fait tenir prêts, ils se trouvèrent à douze grandes lieues de là avant que le jour parût, et qu’on se fût aperçu de leur fuite et de leur larcin. Les deux amants se retirèrent à Valence où ils se reposèrent quelque temps. Théodosia n’était pas heureuse ; elle n’avait plus la tranquillité qu’elle trouvait en sa petite cellule et était privée de la compagnie de ses religieuses. Elle avait du repentir de sa lâcheté et, d’autres fois, du désespoir d’obtenir le pardon de son crime. Louis ne fut pas long à dissiper par la gourmandise, l’amour et le jeu, les richesses de leur vol. Et ne sachant plus de quel bois faire flèche, il contraignit la belle Théodosia à trafiquer de ses charmes, l’obligeant de feindre qu’elle était sa sœur et non sa maltresse. Théodosia résista longtemps aux desseins dénaturés de son cousin, puis, forcée par la nécessité,

[1] [2] [3] [4]

  1. Sa bourse, son argent ou son manteau (P. Bouillon).
  2. Un sergent (Boüillon).
  3. Le gouverneur de la ville (Boüillon).
  4. Environ deux lieues (Boüillon).