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H. DE SALTREY.

tin[1] ; la fosse, qui se trouvait dans le cimetière, devant la façade Est de l’église, fut entourée d’un mur fermé d’une porte et d’une serrure, et la clef en fut remise au prieur. Du temps de saint Patrice, beaucoup de pénitents entrèrent dans la fosse, et, lorsqu’ils en sortirent, ils attestèrent qu’ils avaient souffert des tourments et vu les joies ; saint Patrice fit écrire leurs relations que l’on conserva dans l’église. Mais beaucoup d’hommes qui y étaient entrés y périrent. Cet endroit s’appelle Purgatoire de saint Patrice, parce qu’on y est purgé de ses péchés, et l’église s’appelle Reglis[2].

Voici quelles étaient les coutumes établies. On ne pouvait entrer dans le Purgatoire sans une lettre de l’évêque dans le diocèse duquel il était situé ; si l’évêque ne pouvait dissuader le pénitent de cette entreprise, il lui remettait une lettre pour le prieur qui lui conseillait de choisir une autre pénitence. Si le pèlerin persistait dans son dessein, on le faisait entrer dans l’église, où pendant quinze jours il jeûnait et priait. Au bout de ce délai, le pénitent, après avoir entendu la messe, reçu la communion et avoir été aspergé d’eau bénite, est conduit en procession et au chant des litanies jusqu’à la fosse. Là, le prieur lui rappelle encore les dangers que lui feront courir les démons et il ajoute que de nombreux pénitents ne sont jamais revenus. Si l’homme persiste encore dans sa résolution, il reçoit la bénédiction des prêtres, il se recommande aux prières de tous et imprime de sa propre main le signe de la croix sur son front. Le prieur ferme la porte à clef et la procession retourne à l’église. Le lendemain, de bonne heure, le cortège se rend à la fosse, le prieur ouvre la porte, et si l’homme est là, on le conduit avec joie à l’église. Il y demeure quinze jours dans le jeûne et la prière. Si, au contraire, il n’a pas reparu, il est sûr qu’il est allé à sa perdition ; la porte est refermée et tous s’en retournent.

Au temps du roi Etienne[3], un soldat nommé Owen (celui-là même dont on donne le récit) désira faire pénitence dans le Purgatoire de saint Patrice. Malgré les représentations de l’évêque et du prieur, il persista dans son dessein. Owen entra dans la

  1. Ceux-ci furent chargés du monastère et du pèlerinage jusqu’en 1(532, date de leur expulsion. Les Franciscains les remplacèrent jusqu’à la fin du XVIII* siècle, où l’évêque de Clogher nomma prieur un des prêtres séculiers de son diocèse.
  2. En irlandais recles « grande église. »
  3. Roi d’Angleterre en 1153, d’après Matthieu Paris. Colgan remarque avec raison qu’il doit s’agir d’un roi d’Irlande, aucun roi d’Angleterre avant Henri II n’ayant pénétré en Irlande (Trias thaumaturga, p. 281, note 9). On conserve au lac Derg la tradition d’après laquelle Tieman O’Rourke, prince de Breffny, serait allé en 1152 en pèlerinage au Purgatoire, pour y trouver le calme de la conscience. O’Connor, St. Patrick’s Purgatory, p. 93.