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INTRODUCTION.

de racheter ici-bas leurs fautes par une dure pénitence. Dès le XIIe siècle, comme on le voit, les traits essentiels de la légende sont fixés ; ils n’avaient pas, sans doute, dans la tradition orale, le caractère abstrait que leur prêtent Jocelin et Giraud. On racontait certainement déjà les aventures merveilleuses et effroyables de tel ou tel qui avait pénétré dans les fosses souterraines et qui y avait rencontré les démons, mélange confus des croyances populaires sur les cavernes et sur les gouffresll), avec les idées religieuses répandues par les dialogues de Grégoire le Grand(,) (540-604) et l’histoire du vénérable Bède(3) (672-735), avec les souvenirs classiques de l’antre de Trophonius (4) et des descentes aux enfers racontées par les poètes(5) ou les philosophes(#).

Ce fut un cistercien de l’abbaye de Saltrey(7), comté de Huntingdon, qui, sur la demande de l’abbé de Sartis, rédigea pour la première fois, à la fin du XIIe siècle, la légende sous la forme qu’elle a gardée pendant plusieurs siècles. L’auteur raconte que les Irlandais, après avoir entendu les prédications de saint Patrice, lui dirent qu’ils ne croiraient pas ses paroles à moins qu’ils ne vissent de leurs propres yeux les tourments de l’enfer et les joies du Paradis. Patrice pria et jeûna longtemps ; le Seigneur lui apparut, lui donna un livre et un bâton, et le conduisit dans le désert. Là, il lui montra une fosse ronde, obscure à l’intérieur, dans laquelle les pécheurs repentants pourraient voir les secrets de l’autre vie et être délivrés de leurs péchés (8). Patrice bâtit à cet endroit une église où il établit des chanoines de saint Augusde Clogher. D’après d’autres, la Caverna Purgatorii aurait été située dans une autre île du lac Derg, Saints’ Island. Voir O’Connor, S* Patrick’s Purgatory, Lough Derg, Dublin, 1895, p. 113-115. [1]

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  1. Ph. de Félice, L’autre monde, p. 125. Sur les gouffres qui, d’après la tradition populaire, conduisent à l’enfer, cf. P. Sébillot, Le folklore de France, t. II, p. 420-421.
  2. Dialogus beati Gregorii papae eusque diaconi Pétri in quatuor libros divisus : de vita et miraculis patrum italicorum et de eternitate animarum, IV, 36-38. Migne, Patrologia latina, t. LXXVII, col. 381-389.
  3. Ecclesiaslicae historiae gentis Anglorum libri quinquc,, 12-14. Migne, Patrologia latina, t. XCV, col. 247-255.
  4. Pausanias, IX, 39, 4-14.
  5. Odyssée, XI. Aristophane, Grenouilles, 143, 273, 278, 289, 311, 454. Virgile, Enéide, VI, 236-263.
  6. Platon, République, p. 614 c et suiv. Plutarque, De la vengeance tardive de la divinité, 22.
  7. Il se désigne seulement par son initiale : Fr. H... — Matthieu Paris lit : Henricus, et Th. Tanner : Hugo.
  8. Quisquis veraciter penitens, vera flde armatus, fossam eandem ingressus, unius diei ac noclis moram in ea faceret, ab omnibus purgaretur totius vitae suae peccatis, sed et per illam transiens, non solum visurus esset tormenta malorum, verumetiam, si in flde constanter egisset, gaudia beatorum.