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LA RELIGION DES CELTES

est le milieu d’une longue vie[1]. La situation de cet autre monde[2] varie suivant la position géographique des divers peuples celtiques. Comme l’a fait remarquer A. Le Braz[3], les gens du continent le plaçaient volontiers dans les îles. Une tradition fixée par écrit au VIe siècle par Procope[4] rapporte que les habitants du pays situé en face de la Grande-Bretagne avaient pour charge de conduire les âmes des morts du continent dans l’île. Au milieu de la nuit, ils entendent frapper à leur porte, et une voix les appelle tout bas. Alors ils se rendent au rivage sans savoir quelle force les y entraîne. Ils y trouvent des barques qui semblent vides, mais qui sont tellement chargées des âmes des morts que leur bordage s’élève à peine au-dessus des flots. En moins d’une heure, ils sont arrivés au terme de leur voyage alors que d’ordinaire il leur faut une journée pour s’y rendre. Là, dans l’île des Bretons, ils ne voient personne, mais ils entendent une voix qui dénombre les passagers en les appelant chacun par leur nom.

Ce n’est que d’après la littérature épique de l’Irlande que l’on peut se faire une idée de l’Élysée rêvé par les Celtes, pays merveilleux que l’on atteignait en s’embarquant sur une barque de verre ; au-delà de la mer, on apercevait une grande tour transparente aux contours indécis ; dans les ouvertures des créneaux apparaissaient des formes qui ressemblaient à des hommes. Quiconque essayait d’aborder au pied de la tour était emporté par les flots de la mer. Au delà de la tour s’étendaient des plaines

  1. Lucain, Pharsale, i, 449-458.
  2. M. S. Reinagh a démontré (Revue celtique, t. XXII, p.447-457) que par les mots orbis alius, Lucain voulait désigner une autre région de la terre et non une autre planète ou un astre.
  3. La légende de la mort chez les Bretons armoricains, 2e édition, p. xii.
  4. De bello gallico, iv, 20. A. Le Braz, La légende de la mort chez les Bretons armoricains, 2e éd., p. xii-xiii.