comme à son habitude. « Et voici Catherine, ma fille. Faites connaissance. Voilà une amie pour toi. Guéris-toi vite, Niétotchka ! La méchante, comme elle m’a fait peur ! »
Ma guérison marchait à grands pas. Quelques jours après je me levais déjà. Chaque matin, Catherine s’approchait de mon lit, toujours souriante et gaie.
J’attendais sa venue comme un bonheur. J’aurais tant voulu l’embrasser. Mais l’espiègle fillette ne venait que pour quelques instants. Elle ne pouvait pas rester en place : être toujours en mouvement, courir, sauter, faire du bruit dans la maison, c’était pour elle un besoin absolu. Aussi, dès le commencement, elle me déclara que cela l’ennuyait maintenant d’être assise près de moi, et que, par conséquent, elle viendrait rarement, et encore que si elle venait, c’était parce qu’elle avait pitié de moi, mais que quand je serais complètement remise il en serait autrement. Chaque matin, son premier mot était : « Eh bien, es-tu guérie ? » Et comme j’étais toujours maigre et frêle et que le sourire éclairait rarement mon visage triste, la petite princesse fronçait aussitôt les sourcils, hochait la tête et frappait du pied de dépit. — « Mais je t’ai dit hier d’aller mieux ! Quoi ? Sans doute ne te donne-t-on pas à manger ? »
— « Oui, on me donne très peu », répondis-je timidement, car elle m’intimidait. J’avais le plus grand désir de lui plaire, c’est pourquoi j’avais peur à chaque mot, à chaque mouvement. Son apparition provoquait toujours en moi le plus grand enthousiasme. Je ne la quittais pas des yeux, et quand elle s’en allait je regardais, comme en extase, le chemin qu’elle prenait. Je la voyais en rêve. Quand elle n’était pas là, j’inventais de longues conversations avec elle ; j’étais son amie, je jouais avec elle, je pleurais avec elle quand on nous grondait pour quelque méfait. En un mot je rêvais d’elle comme une amoureuse. Je désirais vivement guérir et engraisser au plus vite, comme elle me le conseillait.
Quand Catherine accourait chez moi, le matin, et criait de prime abord : — « Tu n’es pas encore guérie ! Toujours aussi maigre ! » je tremblais comme une coupable. Mais rien ne pouvait être plus sérieux que l’étonnement de Catherine de ce que je ne pusse me rétablir en un jour, et, à la fin, elle finissait par se fâcher.