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sérieusement. Je le sais. Seulement un matin, je me suis levée, et je t’aimais tant, tant, que c’était effrayant ! Je t’avais vue en rêve toute la nuit. Je pensais : j’irai chez maman et je resterai en bas. Je ne veux pas l’aimer, je ne veux pas ! Et la nuit suivante, en m’endormant je pensais : Ah ! si… si elle venait comme l’autre nuit ! Et tu es venue. Moi je faisais semblant de dormir. Ah ! comme nous sommes polissonnes, Niétotchka !

— Mais pourquoi ne voudrais-tu pas m’aimer ?

— Comme ça… Mais que dis-je ? Je t’ai aimée toujours. Et je pensais : Et si je la pinçais, voilà, ma petite sotte !…

En même temps elle me pinça.

— Te rappelles-tu quand je t’ai attaché ton soulier ?

— Je me rappelle…

— Tu étais contente, hein ? Je te regardais et je pensais : Elle est charmante, et si je lui arrange son soulier, qu’est-ce qu’elle pensera ? Et je me sentais si bien, moi… Et vraiment je voulais t’embrasser… Et ensuite, c’était si drôle, si drôle ! Et tout le long du chemin, quand nous marchions ensemble, j’avais envie d’éclater de rire. Je ne pouvais pas te regarder tellement tu étais drôle… Et comme j’ai été heureuse quand tu es allée au cachot à ma place !

Nous appelions cachot la chambre noire.

— Et tu as eu peur ?

— Oh ! oui.

— Moi, j’étais heureuse, non parce que tu avais pris sur toi la faute, mais parce que tu étais enfermée à ma place. Je me disais : Elle pleure maintenant, et moi je l’aime tant ! Demain je l’embrasserai, je l’embrasserai. Et vrai, je n’avais pas pitié de toi, et tout de même je pleurais.

— Et moi, je n’ai pas pleuré ; j’étais très contente !

— Tu n’as pas pleuré ? Ah ! méchante ! s’écria la princesse en m’embrassant de toutes ses forces.

— Catherine, Catherine, mon Dieu, que tu es jolie !

— N’est-ce pas ? Et bien, fais de moi ce que tu voudras : tourmente-moi, pince-moi. Je t’en prie, pince-moi, ma chérie, pince-moi !

— Que tu es drôle ! Et quoi encore ?

— Et encore embrasse-moi.

Nous nous embrassions, nous pleurions, nos lèvres étaient gonflées de baisers.