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coin, à la cuisine, sous la garde de Matréna. Ensuite la conversation roula naturellement sur la fête prochaine ; après quoi le vieillard agita longuement la question de savoir comment nous offririons le cadeau. Plus il approfondissait son sujet, mieux je remarquais qu’il avait par devers lui une idée dont il ne pouvait, dont il n’osait parler. J’attendais toujours sans rien dire. Peu à peu disparurent la joie secrète, la satisfaction intime que jusqu’alors j’avais lues aisément dans ses façons étranges, dans ses grimaces, dans le clignement de son œil gauche. D’instant en instant il devenait plus soucieux et plus inquiet ; à la fin il n’y put tenir.

« — Écoutez », commença-t-il timidement, à demi-voix ; — « écoutez, Varvara Alexéievna… Savez-vous une chose, Varvara Alexéievna ?… »

— Le vieillard était terriblement embarrassé.

— « Voyez-vous, quand viendra le jour de sa naissance, prenez dix volumes et donnez-les lui vous-même, c’est-à-dire de votre part, de votre côté ; moi, je prendrai alors le onzième et je le lui donnerai aussi de ma part, c’est-à-dire en mon nom personnel. Comme cela, voyez-vous, vous pourrez faire un cadeau, et moi