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un poltinnik, un dvougrivennik, de la monnaie de cuivre pour vingt kopeks. » Je l’emmenai aussitôt près de mon bouquiniste. « Les onze volumes que voici coûtent en tout trente-deux roubles et demi ; j’en ai trente ; ajoutez deux roubles et demi pour parfaire le prix, nous achèterons tous ces livres et nous les donnerons à deux. » Fou de joie, le vieillard versa tout son argent sur la table, et le bouquiniste lui laissa emporter toute notre commune bibliothèque. Mon petit vieux fourra des volumes dans toutes ses poches, en prit plusieurs dans chaque main, en mit sous ses bras et, ainsi chargé, regagna sa demeure, après m’avoir juré que le lendemain il viendrait en catimini apporter tous les livres chez moi.

Le lendemain, le vieillard alla voir son fils, resta avec lui une petite heure, selon son habitude, puis passa chez nous et s’assit à côté de moi d’un air mystérieux qui avait quelque chose de très-comique. Souriant, se frottant les mains dans l’orgueilleuse satisfaction qu’il éprouvait d’être détenteur d’un secret, il commença par m’apprendre que tous les livres avaient été transportés chez nous sans éveiller l’attention de personne, et qu’ils se trouvaient dans un