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Je cessai bientôt de prendre des leçons avec Pokrovsky. Il continuait à voir en moi une enfant, une petite gamine comme Sacha. J’en étais très-vexée, car je ne négligeais rien pour faire oublier mon ancienne conduite ; mais on ne le remarquait pas, et cela m’irritait de plus en plus. Je n’avais presque jamais parlé à Pokrovsky en dehors des classes ; d’ailleurs, il m’était impossible de lui parler. Je rougissais, je perdais le fil, et ensuite j’allais pleurer de dépit dans un coin.

Je ne sais pas comment tout cela aurait fini sans une circonstance étrange qui facilita un rapprochement entre nous. Un soir, tandis que ma mère était chez Anna Fédorovna, je me glissai dans la chambre de Pokrovsky. Je savais qu’il était absent, et j’ignore, en vérité, comment l’idée me vint d’entrer chez lui. Jusqu’alors, je n’avais jamais mis le pied dans son logement, quoique nous demeurions porte à porte depuis plus d’un an déjà. Cette fois, mon cœur battait si fort, si fort, qu’il semblait vouloir s’élancer hors de ma poitrine. Je promenai autour de moi un regard plein de curiosité. La chambre de Pokrovsky était très-pauvrement meublée et assez en désordre. Aux murs étaient