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L’élévation morale nous frappe d’autant plus chez Makar Diévouchkine, qu’elle s’allie bizarrement à un esprit inculte. L’intelligence du pauvre homme est restée à l’état rudimentaire ; sa philosophie est enfantine, ses jugements littéraires sont d’une innocence qui fait sourire ; jamais ses idées ne dépassent le niveau de la banalité la plus plate, et il n’a pour les exprimer qu’un vocabulaire incertain dont il ne sait même pas se servir congrûment : tout en lui est médiocre, excepté le cœur.

Ce qui achève de caractériser le principal personnage des Pauvres Gens, c’est son humeur soumise et résignée, alors que toutes les circonstances extérieures devraient, ce semble, faire de lui un révolté. Phénomène drolatique ou touchant, comme on voudra, — il n’y a pas plus conservateur que ce pauvre diable qui n’a rien du tout à conserver. Loin de maudire la société dont il est un des parias, il l’accepte telle qu’elle est, satisfait du rang infime qu’il y occupe. Si parfois lui échappe une timide