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Très-malheureux dans son ménage, le vieux Pokrovsky cherchait une consolation dans le plus laid des vices et se trouvait presque toujours en état d’ivresse. Sa femme le battait, le reléguait à la cuisine ; elle l’habitua si bien aux coups et aux mauvais traitements qu’il finit par les subir sans se plaindre. Ce n’était pas encore un homme très-âgé, mais l’ivrognerie l’avait presque fait tomber en enfance. Le seul vestige de sentiments nobles qu’il eût conservé était son immense amour pour son fils. Le jeune Pokrovsky ressemblait, dit-on, comme deux gouttes d’eau à sa défunte mère. Celle-ci avait été une bonne épouse. Est-ce en souvenir d’elle que le crapuleux vieillard avait voué à son fils une telle adoration ? Il ne pouvait parler que de lui et l’allait voir régulièrement deux fois par semaine. Il n’osait pas venir plus souvent, car le jeune Pokrovsky ne pouvait souffrir les visites paternelles. Parmi tous ses défauts, le plus grave était sans contredit son irrévérence à l’égard de son père. Du reste, il faut dire que ce dernier était parfois l’être le plus insupportable du monde. D’abord, il était terriblement curieux ; en second lieu, quand son fils était occupé, il le dérangeait à chaque instant pour