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chose d’étrange. Anna Fédorovna habitait, dans la sixième ligne, une maison qui lui appartenait. Il ne s’y trouvait que cinq chambres propres. Trois de ces pièces étaient occupées par Anna Fédorovna et par ma cousine Sacha, une enfant orpheline qu’elle avait recueillie chez elle. Nous étions installées dans la quatrième chambre, et enfin la dernière, située à côté de la nôtre, servait de logement à un pensionnaire d’Anna Fédorovna, un pauvre étudiant nommé Pokrovsky. Anna Fédorovna vivait fort bien, dans une opulence plus grande qu’on n’aurait pu le supposer ; mais sa fortune était énigmatique, aussi bien que ses occupations. Toujours en mouvement, toujours affairée, elle sortait plusieurs fois par jour, soit à pied, soit en voiture ; mais ce qu’elle faisait, ce dont elle s’occupait, il m’était impossible de le deviner. Ses relations étaient nombreuses et variées ; elle recevait beaucoup de monde, et Dieu sait quelles sortes de gens ! Ses visiteurs venaient toujours pour affaires et ne restaient qu’une minute. Ma mère ne manquait jamais de m’emmener dans notre chambre dès que la sonnette se faisait entendre. Cette manière d’agir irritait violemment Anna Fédorovna ;