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fut très-pénible de me trouver parmi des étrangers. La maison avait dans son ensemble un aspect si sec, si peu avenant ; les maîtresses étaient si grondeuses, les demoiselles si moqueuses, et moi si sauvage ! Un règlement sévère et méticuleux ! L’obligation de faire chaque chose à heure fixe, les repas en commun, les professeurs insipides, tout cela fut dès le premier moment un supplice pour moi. Je ne pouvais même pas dormir à la pension. Je pleurais toute la nuit, une nuit longue, froide, ennuyeuse. Durant la soirée, les élèves répétaient ou apprenaient leurs leçons ; j’étudiais mes dialogues ou mon vocabulaire ; je n’osais pas bouger, mais je pensais toujours à notre foyer domestique, à mon père, à ma mère, à ma vieille bonne et à ses histoires… Ah ! comme j’avais le cœur gros ! La plus insignifiante chose de chez nous, je me la rappelais avec plaisir. « Qu’il ferait bon maintenant être à la maison, me disais-je sans cesse, assise dans notre petite chambre, devant le samovar, à côté de mes parents ! J’aurais si chaud, je serais si bien dans ce milieu connu ! Avec quelle tendresse j’embrasserais à présent ma mère ! » À ces pensées, des larmes amères vous vien-