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du double depuis que j’ai tracé la dernière ligne de ces mémoires. Tout cela a été écrit à différents intervalles. Adieu, Makar Alexéiévitch ! Je m’ennuie d’une façon terrible à présent, et je suis souvent tourmentée par l’insomnie. Que la convalescence est ennuyeuse !

V.D.


I


Je n’avais que quatorze ans lorsque mourut mon père. Mon enfance fut le meilleur temps de ma vie. Ce n’est pas ici qu’elle commença, mais loin de Pétersbourg, en province, dans un pays perdu. Mon père était l’intendant du vaste domaine que le prince P…sky possédait dans le gouvernement de T… Nous habitions un des villages appartenant au prince ; nous vivions là dans une heureuse et tranquille obscurité… J’étais une petite fille fort pétulante ; je ne faisais que vagabonder dans les champs, dans les bois, dans le jardin, et personne n’avait l’œil sur moi. Mon père était continuelle-