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voques… Et je le dis encore, matotchka : l’homme est quelquefois étonnant, fort étonnant. Et, saints du ciel ! quelles choses on est parfois entraîné à dire ! Mais à quoi cela aboutit-il ? qu’est-ce qui en résulte ? Cela n’aboutit absolument à rien, et, il n’en résulte que des sottises, dont Dieu veuille me préserver ! Moi, matotchka, je ne suis pas fâché ; seulement c’est si vexant de se rappeler tout cela, je suis si contrarié de vous avoir écrit en termes si figurés et si bêtes ! Aujourd’hui j’étais si faraud, si fringant en allant au service, mon cœur était comme illuminé. Sans motif aucun il y avait une telle fête dans mon âme ; je me sentais joyeux ! Je me suis mis consciencieusement à ma besogne — mais qu’est-ce qui s’en est suivi ? Sitôt que j’ai eu jeté un regard autour de moi, les choses ont repris à mes yeux leur aspect accoutumé, — leur couleur grise et sombre. Toujours les mêmes taches d’encre, toujours les mêmes tables avec les mêmes papiers, et moi toujours le même aussi ! Tel j’étais, tel je me suis retrouvé ; — dès lors pourquoi avais-je enfourché Pégase ? Mais qu’est-ce qui a donné lieu à tout cela ? C’est que le soleil brillait et que le ciel était bleu ! Voilà la cause, n’est-ce