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je jure que, quelque perdu de douleur que j’aie été aux jours cruels de nos malheurs, en considérant d’une part votre détresse, de l’autre mon abaissement et mon incapacité, malgré tout cela je vous jure que les cent roubles ont moins de prix à mes yeux que la poignée de main dont Son Excellence a daigné m’honorer, moi indigne, moi un fétu de paille, un ivrogne ! Par là elle m’a rendu à moi-même. Par ce procédé elle m’a ressuscité moralement, elle m’a fait désormais la vie plus douce, et, quelque pécheur que je sois, j’ai la ferme assurance que ma prière pour le bonheur et la prospérité de Son Excellence arrivera jusqu’au trône du Tout-Puissant. Matotchka ! Je suis maintenant dans un terrible désordre moral, dans une agitation extraordinaire ! Mon cœur bat comme s’il voulait s’élancer hors de ma poitrine. Et moi-même je me trouve tout affaibli. Je vous envoie quarante-cinq roubles papier, je donnerai vingt roubles à ma logeuse, je garderai trente-cinq roubles, j’en dépenserai vingt pour me rhabiller, et il m’en restera quinze pour les besoins courants de la vie. Mais, maintenant, toutes ces impressions de la matinée ont bouleversé