affaire l’a un peu sali ; on l’a exclu du service, et, quoiqu’on n’ait relevé contre lui aucun fait foncièrement délictueux, néanmoins, tant qu’il ne s’est pas pleinement justifié, il ne peut pas entrer en possession d’une somme importante que le marchand lui doit et que la justice lui conteste. Moi, je tiens pour vrai ce qu’il me dit, mais le tribunal ne l’en croit pas sur parole. L’affaire présente de telles complications qu’en cent ans vous ne la débrouilleriez pas. À peine l’a-t-on un peu éclaircie que le marchand emmêle de nouveau tous les fils. Je m’intéresse sincèrement à Gorchkoff, ma chère. J’ai compassion de lui. Il se trouve sans place, sa situation équivoque fait qu’on ne veut de lui nulle part ; ses économies ont été mangées, il est arrivé au bout de son rouleau, et pourtant il fallait vivre ; voilà que, fort mal à propos, il lui naît un enfant, — eh bien, ce sont des frais ; son fils tombe malade, — encore des frais ; il meurt, — nouvelles dépenses ; sa femme est valétudinaire, lui-même a depuis longtemps une mauvaise santé : en un mot, il a souffert, beaucoup souffert. Du reste, il s’attend à voir son procès jugé sous peu de jours et jugé en sa faveur ; à présent, dit-il, on n’en peut plus
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