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le besoin, que maintenant encore l’adversité vous éprouve et que, par suite, votre cœur est accessible à la pitié. Pardonnez-moi l’audace et l’inconvenance de ma démarche, Makar Alexéiévitch », acheva-t-il. — Je lui répondis que j’aurais été enchanté de lui venir en aide, mais que je n’avais rien, absolument rien. — « Batuchka, Makar Alexéiévitch », reprit le visiteur, « je ne vous demande pas grand’chose, mais voyez-vous (il devint tout rouge), ma femme et mes enfants meurent de faim ; si vous me donniez seulement un grivennik ! » Eh bien, ces mots me serrèrent le cœur. « En voilà un, pensai-je, qui est encore plus mal loti que moi ! » Mais il ne me restait que vingt kopeks, et l’emploi de cet argent était déjà trouvé ; je comptais m’en servir demain pour faire face à mes besoins les plus pressants. — « Non, mon cher, je ne puis pas », et je lui dis pourquoi. — « Batuchka, Makar Alexéiévitch », insista Gorchkoff, « donnez-moi si peu que vous voudrez, ne fût-ce que dix kopeks. » Eh bien, j’ai pris dans mon tiroir mes vingt kopeks et je les lui ai donnés, matotchka ; c’est toujours une bonne action ! Il est si malheureux ! Je me mis à causer avec lui : « Mais comment donc se fait-il, batuchka »,