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À vous parler franchement, ma chère, j’ai entrepris de vous décrire tout cela, en partie pour me soulager le cœur, mais surtout pour vous donner un échantillon du beau style de mes ouvrages. Car vous-même reconnaîtrez assurément, matotchka, que depuis quelque temps mon style se forme. Mais maintenant il m’est survenu un tel chagrin que je me suis mis à sympathiser, du fond de l’âme, à mes propres pensées, et, quoique je sache bien moi-même que cette sympathie ne m’avancera à rien, n’importe, c’est toujours pour moi une façon de me rendre justice. En vérité, ma chère, souvent, sans raison aucune, je me déprécie moi-même, je ne m’estime pas un groch, je me juge au-dessous d’un copeau quelconque. Et, pour m’exprimer par comparaison, cela vient peut-être de ce que je suis moi-même intimidé et molesté comme ce pauvre petit garçon qui m’a demandé l’aumône. Maintenant je vais vous parler par figures, allégoriquement, matotchka ; écoutez-moi donc : le matin, en allant à mon bureau, il m’arrive, ma chère, de contempler la ville, au moment ou elle s’éveille, se lève, fume, bouillonne, fait son bruit, — alors devant un tel spectacle je suis