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que c’est que les gens qui se font un jeu d’insulter une orpheline ? C’est de la drogue et non des hommes, c’est tout bonnement de la drogue, des êtres tels quels, qui ont l’air d’exister, mais qui, en réalité, n’existent pas, voilà mon opinion sur leur compte ! Et, tenez, ma chère, suivant moi, le joueur d’orgue que j’ai rencontré aujourd’hui rue aux Pois mérite plus de respect qu’eux. Il marche toute la journée, il s’exténue, il attend, pour subsister, un malheureux groch, mais en revanche il est son maître, il gagne sa vie lui-même. Il ne veut pas demander l’aumône, il peine pour le plaisir des gens, comme une machine montée : — Voilà, dit-il, je fais mon possible pour procurer de la satisfaction. C’est un mendiant, à la vérité, c’est tout de même un mendiant, mais un noble mendiant ; fatigué, transi de froid, il n’en continue pas moins à travailler, car, dans son genre, il travaille. Et il y a beaucoup d’honnêtes gens, matotchka, qui, bien que peu payés eu égard à leurs peines et à leurs services, ne font de courbettes à personne, ne demandent leur pain à personne. Moi-même je suis exactement dans le cas de ce joueur d’orgue, c’est-à-dire, non, je ne suis pas du tout dans son cas ; mais en un