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Je serais curieux de voir de près une princesse et, en général, une dame de la haute société ; ce doit être fort beau ; je n’en ai jamais vu, si ce n’est, comme maintenant, à travers les glaces de leurs voitures. J’ai pensé à vous alors. — Ah, ma chère ! À présent, quand je pense à vous, c’est avec tant de chagrin ! Pourquoi, Varinka, êtes-vous si malheureuse ? Mon petit ange ! Mais en quoi donc valez-vous moins qu’elles toutes ? Vous êtes bonne, belle, instruite ; pourquoi donc un si triste sort vous est-il échu en partage ? Comment se fait-il qu’un brave homme se trouve dans le malheur, et qu’à un autre le bonheur s’offre de lui-même ? Je sais, je sais, matotchka, que c’est mal de nourrir de telles pensées, que c’est de l’impiété ; mais, franchement, pourquoi l’un est-il voué au bonheur dès le sein de sa mère, tandis que l’autre vient au monde dans un hospice ? Il arrive même que souvent Ivanouchka l’imbécile est favorisé par la destinée. « Toi, Ivanouchka l’imbécile, dit-elle, puise à pleines mains dans les coffres de ton grand-père, bois, mange, amuse-toi, et toi, un tel, brosse-toi le ventre, voilà ton lot, mon ami ! » C’est un péché, matotchka, de penser cela, mais, sans qu’on le veuille, le péché se glisse dans