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quoi, Varinka, j’ai cédé plutôt par compassion pour l’humanité que par entraînement personnel. Ainsi voilà d’où sont venus mes égarements, matotchka ! Lui et moi, comme nous avons pleuré ensemble ! Nous avons parlé de vous. Il est très-bon, c’est un excellent homme, et un homme très-sensible. Moi-même, matotchka, je sens tout cela, c’est même parce que je le sens très-bien qu’il m’arrive toujours de pareilles choses. Je sais ce que je vous dois, ma chérie ! En vous connaissant, j’ai appris à me mieux connaître moi-même, et je me suis mis à vous aimer. Avant vous, mon petit ange, j’étais solitaire et comme endormi ; à proprement parler, je ne vivais pas. Mes ennemis prétendaient que mon extérieur même était inconvenant, ils m’accablaient de leur mépris, et j’en étais venu à me mépriser moi-même ; ils disaient que j’étais stupide, et j’avais fini par le croire. Mais dès que vous m’êtes apparue, vous avez illuminé toute ma sombre vie ; mon cœur et mon âme se sont éclairés, j’ai trouvé la paix intérieure, j’ai reconnu que je ne valais pas moins que les autres, que si je n’avais rien de distingué, si le lustre, l’éclat, le prestige me faisaient défaut, j’étais un homme cependant, un homme par le