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situation, et il en est toujours ainsi. À mesure que je me rapproche de la maison, je sens mon malaise s’accroître. — « Non, me dis-je, il ne prêtera pas, jamais de la vie il ne prêtera ! Je suis un inconnu pour lui, mon affaire est délicate, et je ne paye pas de mine... Allons, il en sera ce que Dieu voudra ; je veux du moins n’avoir pas de reproches à me faire ensuite ; on ne me mangera pas pour cela ! » — Et là-dessus j’ouvre la porte tout doucement. Mais alors autre malheur : un vilain, un stupide chien de cour se met à aboyer après moi, il fait un vacarme du diable ! Et voilà, ce sont ces misères, matotchka, ces menus accidents qui irritent toujours un homme, qui l’intimident et qui lui ôtent toute la résolution dont il s’était armé d’avance. J’entre dans la maison plus mort que vif, et une nouvelle mésaventure signale mon entrée : dans l’obscurité, je n’avais pas remarqué ce qu’il y avait devant moi sur le seuil ; j’avance le pied et je trébuche contre une femme qui était en train de vider un seau de lait dans une cruche ; tout le lait s’épanche par terre. La sotte femelle commence à crier : « Où vas-tu, batuchka ? Qu’est-ce qu’il te faut ? » Puis elle se répand en lamentations sur l’accident. Je note,