peu m’importe ; je suis un homme du commun, un petit homme ; — mais que diront les gens ? Mes ennemis, toutes ces mauvaises langues, que diront-ils en me voyant dehors sans manteau ? C’est pour les gens qu’on porte un manteau et qu’on met des bottes. Dans l’espèce, matotchka, ma petite âme, j’ai besoin de bottes pour soutenir mon honneur et ma bonne renommée ; des chaussures trouées sont la ruine de l’un et de l’autre. — Croyez-le, matotchka, croyez-en ma longue expérience ; je suis un vieillard, je connais le monde et les gens, écoutez-moi plutôt que d’écouter des barbouilleurs et des saligauds. Mais, matotchka, je ne vous ai pas encore raconté en détail ma déconvenue d’aujourd’hui. J’ai enduré en une seule matinée plus de souffrances morales que d’autres n’en endurent dans le cours d’une année entière. Voici comment les choses se sont passées : — d’abord, je suis parti de bonne heure pour être sûr de le trouver chez lui et arriver à temps au bureau. Il pleuvait tellement, il faisait un temps si vilain aujourd’hui ! Je m’enveloppe dans mon manteau, ma petite belette, et, chemin faisant, je ne cesse de répéter mentalement : « Seigneur,
Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/198
Cette page n’a pas encore été corrigée