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cela ? Pourquoi nourrit-il de telles pensées ? Pourquoi ? — Eh bien, mais parce qu’il a l’expérience ! Parce qu’il sait, notamment, que, quand il entre dans un restaurant quelconque, il y a à côté de lui un monsieur qui se dit : « Ce gueux d’employé, que va-t-il manger aujourd’hui ? Moi, je vais m’offrir un sauté papillote, et lui, il mangera peut-être du kacha sans beurre. » — Mais qu’est-ce que ça lui fait que je mange du kacha sans beurre ? Il y a des gens, Varinka, il y en a qui ne pensent qu’à cela. Et ils vont regarder, ces inconvenants libellistes, si vous posez toute la plante du pied sur le pavé ou si vous ne marchez que sur la pointe ; ils remarquent que tel employé de telle division, tel conseiller titulaire a des bottes à travers lesquelles on voit passer à nu ses orteils, qu’il porte un habit troué aux coudes ; ensuite ils mettent tout cela par écrit et ils font imprimer ces vilenies... Et que vous importe si mon habit est percé aux coudes ? Oui, si vous me pardonnez, Varinka, une comparaison grossière, je vous dirai que l’homme pauvre éprouve à cet égard un sentiment analogue, par exemple, à votre pudeur virginale. Vous ne voudriez pas, — excusez la grossièreté du mot, — vous déshabiller devant tout le monde ; de