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Alors, mon petit ange, la raison m’a quitté, alors j’ai perdu la tête, et c’en a été fait de moi. Mon amie Varinka, je suis sorti précipitamment de la maison, en proie à une fureur inouïe, pour me rendre chez ce séducteur. Je ne savais même pas ce que je voulais faire : c’est que je n’entends pas qu’on vous offense, mon petit ange ! Allons, c’était triste ! Et dans ce moment-là il pleuvait, il faisait un temps mou, j’éprouvais un chagrin terrible !... Je voulais rebrousser chemin... Alors eut lieu ma chute, matotchka. Je rencontrai Emilian, Emilian Ilitch ; c’est un employé, ou plutôt c’était un employé, mais maintenant il ne l’est plus, car on lui a ôté l’emploi qu’il avait chez nous. Je ne sais même pas ce qu’il fait à présent ; il traîne la misère. Voilà que nous partons ensemble. Ensuite... — mais que vous importe cela, Varinka ? Quel plaisir pouvez-vous trouver à lire les malheurs de votre ami, ses infortunes et les tentations qu’il a subies ? — Le surlendemain dans la soirée, poussé par Emilian, je me rendis chez l’officier. J’avais demandé son adresse à notre dvornik. Soit dit en passant, matotchka, il y avait longtemps que je surveillais ce jeune homme ; j’avais déjà l’œil sur lui quand il demeurait