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demandera la suite. Parfois vous vous dérobez à tous les regards, vous vous cachez comme si vous étiez coupable, vous craignez de montrer votre nez n’importe où, parce que vous avez peur des cancans, parce qu’on profite des moindres circonstances pour vous blaguer, et voilà que toute votre vie publique et privée est mise dans un livre ; voilà que tout est imprimé, lu, bafoué, critiqué ! Mais c’est à ne plus oser sortir, car le portrait est d’une ressemblance si frappante que maintenant on nous reconnaîtra rien qu’à la démarche ! Encore si, à la fin, l’auteur était revenu à de meilleurs sentiments ; s’il avait un peu adouci les couleurs, si, par exemple, après avoir dit qu’on faisait pleuvoir de petits morceaux de papier sur la tête de l’employé, il avait ajouté que néanmoins c’était un homme vertueux, un bon citoyen, qu’il ne méritait pas d’être ainsi traité par ses collègues, qu’il obéissait à ses supérieurs (au point de pouvoir être cité comme exemple), qu’il ne souhaitait de mal à personne, qu’il croyait en Dieu, et que sa mort (s’il voulait à toute force le faire mourir) — avait causé des regrets ! Mais le mieux eût été de laisser vivre le pauvre diable et de faire en sorte que son manteau se retrouvât, que