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Là, du moins, j’aurai un morceau de pain assuré ; je ferai tout pour mériter la bienveillance de mes patrons ; je tâcherai même de modifier mon caractère, s’il le faut. Sans doute il est triste, il est pénible de vivre au milieu des étrangers, de rechercher les bonnes grâces d’autrui, de dissimuler et de se contraindre ; mais Dieu m’aidera. On ne peut pas rester misanthrope toute sa vie. Je me suis déjà trouvée dans des cas semblables. Je me rappelle le temps ou j’étais une petite pensionnaire. Le dimanche, à la maison, je m’ébattais, je sautais, parfois même ma mère me grondait un peu ; — n’importe, j’avais le cœur content, l’âme sereine. Quand arrivait le soir, j’étais envahie par une tristesse mortelle : il fallait rentrer à neuf heures à la pension, et là tout avait un aspect étrange, froid, sévère. Le lundi, les maîtresses étaient si irritables, j’avais le cœur si serré ! Prise d’un besoin de pleurer, j’allais dans un petit coin, et là, toute seule, je répandais des larmes que je m’efforçais de cacher ; — on me traitait de paresseuse, et si je pleurais, ce n’était pas du tout parce qu’il fallait étudier. — Eh bien, quoi ? Je me suis habituée, et, plus tard, quand je suis sortie de pension, j’ai pleuré aussi en