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naires, il conserva jusqu’à son dernier moment l’espoir d’une longue vie. Une place de précepteur s’offrit à lui, mais il n’avait que du dégoût pour ce métier. Occuper un emploi public, sa santé ne le lui permettait pas ; d’ailleurs, il aurait fallu rester longtemps surnuméraire. Bref, Pokrovsky voyait toutes ses tentatives échouer ; son caractère s’aigrit. Sa santé s’altéra ; il n’y prit pas garde. Arriva l’automne. Mal protégé contre le froid par son petit manteau, il sortait chaque jour pour faire des démarches, solliciter une place quelque part, — ce qui, au fond, lui était très-pénible ; il se mouillait les pieds, la pluie le perçait jusqu’aux os ; finalement il s’alita pour ne plus se relever. Il mourut vers le milieu de l’automne, à la fin du mois d’octobre.

Tant que dura sa maladie, je restai, pour ainsi dire, à demeure dans sa chambre. Je lui servais de garde-malade, et je passais souvent des nuits entières à le veiller. Il avait rarement sa connaissance ; le délire était son état habituel ; il parlait Dieu sait de quoi : de la place qu’il sollicitait, de ses livres, de moi, de son père… J’appris ainsi, en ce qui le concernait, beaucoup de choses que j’ignorais complète-