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touché, aux cartes ; Sacha fonctionnait comme un vrai lutin, et, sous ce rapport, je pouvais rivaliser avec elle. Pokrovsky, plein d’attentions pour moi, cherchait toujours l’occasion de me parler en particulier, mais je me dérobais à ses empressements. Ce fut ma meilleure journée durant une période de quatre ans.

À partir de ce moment je n’ai plus que des souvenirs tristes, pénibles ; je vais maintenant aborder le récit de mes jours sombres. Voilà pourquoi, peut-être, ma plume commence à se mouvoir plus lentement et semble vouloir se refuser à la tâche qu’il lui reste à accomplir. Voilà pourquoi, peut-être, je me suis tant complu à rappeler les moindres détails de mon petit train de vie dans mes jours heureux. Ces jours ont duré si peu ! Après eux est venu le malheur, un malheur noir qui finira, Dieu seul sait quand !

Mes infortunes commencèrent par la maladie et la mort de Pokrovsky.

Il tomba malade deux mois après les incidents que je viens de raconter. Durant ces deux mois, il se remua énormément pour trouver des moyens d’existence, car jusqu’alors il n’avait pas de position fixe. Comme tous les poitri-