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chose à son fils. C’était un brave homme, ce vieillard ! Je lui assurai que j’aurais été bien aise d’offrir quelque chose, mais que je ne voulais pas lui ôter son plaisir. — « Si votre fils est content, ajoutai-je, vous serez enchanté et moi aussi, car intérieurement, au fond du cœur, j’aurai la même impression que si, en réalité, j’avais fait aussi un cadeau. » Ces mots rendirent la sérénité au vieux Pokrovsky. Il resta encore deux heures chez nous ; mais durant tout ce temps il ne put tenir en place : il se levait, circulait bruyamment dans la chambre, folâtrait avec Sacha, m’embrassait à la dérobée, me pinçait le bras, et faisait des grimaces derrière Anna Fédorovna. À la fin, celle-ci le mit à la porte. En un mot, le vieillard était ivre de joie, comme peut-être il ne l’avait encore jamais été.

Le jour de la fête de son fils, il arriva à onze heures précises, au sortir de la messe ; outre un frac convenablement restauré pour la circonstance, il portait, en effet, un gilet neuf et des bottes neuves. Dans ses deux mains se trouvait le paquet de livres. Nous étions tous alors chez Anna Fédorovna, nous prenions le café dans la salle (c’était un dimanche). Le vieillard commença, je crois, par dire que Pouchkine était